(régis) hysteric love

la chaleur de son cou réchauffe ma paume et je suis épris d’un élan de mélancolie soudainement sorti de nulle part. « tu me saoules, on dirait que tu fais exprès. » dans ma tête ses mots résonnent encore et encore, je me racle la gorge. nikki, ce qu’elle ne sait pas c’est qu’elle me prend au dépourvu à chaque fois, ses moindres gestes me coupent le souffle et c’est douloureux. « qu’est-ce que tu veux régis ? »

une larme, puis une autre. je lève les yeux au ciel et cale un juron dans ma gorge. quand elle se met à pleurer en général ça fonctionne, je perds mes moyens. c’est une technique de manipulation pénible mais infaillible vers laquelle je la pousse moi-même, puis ça se retourne contre moi, la plupart du temps…

entre mes doigts je tiens son visage comme un œuf et j’essuie doucement ses larmes, avec une vague impression de déjà-vu. pour dire vrai, elle n’a rien fait de ce que je voulais. elle a anticipé puis pris une décision comme une grande fille. alors pourquoi devrais-je me sentir coupable ? si elle voulait ce maudit gosse elle n’avait qu’à le garder, non ? je fronce mes sourcils mais elle ne peut pas le voir car je la tiens maintenant serrée dans mes bras. « ne pleure pas… s’il te plaît… sinon je vais m’y mettre aussi. » à la fin de la phrase mon rire sonne faux. « je veux juste que tu reviennes, tu me manques. » elle a bien dit qu’il n’y a plus de problème.

elle pensait avoir épuisé son stock de larmes pendant qu’elle ignorait le monde, alors elle s’étonne de la quantité de liquide lacrymal qu’elle déverse.
à vrai dire, elle ne saurait justifier sa présence. la peine, la colère? ou seraient-ce une profonde tristesse, un désespoir mélangés à des sentiments moins péjoratifs?
c’est un trop plein d’émotions qui la fait craquer, c’est toujours comme ça, de toutes façons.
elle tente de résister, parfois de lui tenir tête, mais c’est bien elle qu’il faut souvent ramasser à la petite cuillère.
et parce que régis représente son tout, elle subit continuellement, peu importent les conséquences. et parce qu’il lui arrive d’avoir des moments de lucidité, de regain de fierté, elle l’insulte. la vérité sort, il la prend mal ou comme elle vient, elle sort à ses risques et périls.
et au fond, ce n’est pas complètement sa faute, il n’est plus lui. c’est la peine qui s’exprime et elle n’épargne personne.
elle est suspendue à ses lèvres quand elle lui demande ce qu’il attend d’elle. quoiqu’il souhaite, elle exécutera. peut-être que c’est ce qui la maintient dans la relation après tout, la sensation d’être la possession tant désirée, de lui être indispensable.
autour de son corps elle resserre l’étreinte, pourrait y rester blottie indéfiniment.
mais elle veut être sûre, arrêter de tourner autour du pot. alors, elle se dégage juste assez pour
lever ses yeux et chercher les siens. « je suis là, je vais nulle part régis.  »
elle passe doucement ses mains sur son torse, et poursuit.
« j’aimerais juste comprendre pourquoi t’en voulais pas. » au point de marquer son mur aussi agressivement.
les raisons toutes plus évidentes les unes que les autres ne manquent pas, et pourtant, elle ne peut s’empêcher de vouloir les entendre. une à une s’il le faut.

je ne sais pas vraiment comment je me sens quand elle s’installe bien dans mes bras. je suis satisfait de la pression sur ses hanches qu’exerce mes doigts, gentille et douce soit tout le contraire de moi. je suis satisfait de mon incommensurable égoïsme et seulement quand elle est gentille et qu’elle écoute, quand elle me dit qu’elle est là, qu’elle ne part pas, je suis satisfait d’elle.

mais quand elle parle trop, quand elle pose la mauvaise question, au mauvais moment, ça m’irrite. je porte donc ce visage imperturbable, ce masque qui me colle à la peau depuis belles lurettes.

j’empoigne fermement ses hanches, la soulève et la repose sur le comptoir pour me glisser entre ses cuisses, inconsciemment je ne la relâche pas. j’ai le souffle coupé, mon cœur tambourine mais mon expression faciale de merde reste de marbre. son grain de peau est bien plus addictif que n’importe quelle drogue, c’est ça le problème de ma vie, j’en suis accroc. « je me souviens pas avoir dit que je n’en voulais pas. » si ? «  mais pour plein de raisons… on est vraiment obligés d’en parler maintenant, nikki ? » mes paumes glissent naturellement plus bas, agrippent ses cuisses moelleuses et l'attirent encore plus près. j’ai l’impression que cet instant me retire d’immenses brisques qui pesaient sur les épaules, mais comment lui faire comprendre qu’elles reviennent tout de suite quand je suis en manque d’elle ?
ces mots me semblent bien trop lourds de sens.

Spoiler:

elle ne s’est pas tellement accordée le droit de le faire, mais c’est quand même arrivé. un peu, l’espace de quelques minutes dans une réalité alternative.
elle s’est imaginée ce qu’il se serait passé s’il avait réagi autrement, si elle avait insisté.
si elle était allée à l’encontre de son avis implicite mais bien exprimé, si elle s’était donnée le droit de choisir et de devenir mère.
cette simple penser suffit à la mettre mal à l’aise, parce que le rôle lui parait étrange - pour elle-même.
parce qu’elle prend soin des autres, parce qu’elle est une figure maternelle pour maxie, mais que procréer une possible progéniture ne lui a que très rarement traversé l’esprit.
parce qu’elle est jeune, parce qu’elle est perdue dans sa vie, même si elle donne parfois l’impression d’avoir sa vie en main; ça n’est que comédie et mensonge.
nikki est et restera une épave, au fond.
une épave accrochée à une autre, une épave prête à couler pour lui.
en un rien de temps, elle se retrouve de nouveau en hauteur, les jambes désunies.
collés, tactiles, il lui est à présent plus difficile d’insister.
d’abord, elle regarde ailleurs et soupire. parce qu’il joue sur les mots; ses mots qui ont été durs et accompagnés d’une gestuelle semblable.
elle lâche un rire nerveux à sa deuxième réplique, un mélange d’incompréhension et de résignation. « non mais… je pensais que tu voulais parler… »
pour être juste, il l'a affirmé un peu plus tôt. elle le provoque un peu, ça fait un moment. la proximité de leurs corps n’est pas anodine, et encore une fois, il fait en sorte, sans mal aucun qu’elle délaisse son objectif premier.
« … mais bon. t’as une meilleure idée? »
situation invraisemblable, la colère est de nouveau allée se nicher au fin fond de sa personne, pour mieux exploser plus tard; quand les émotions négatives seront de nouveau titillées.
elle est bête nikki, il suffit d’un rien pour qu’elle se laisse faire avec lui, tableau classique.
comme la suite logique des choses, elle entoure sa nuque de ses bras.