(ana-maria) premier chapitre

Ana ne se reconnaissait pas. La vierge Maria n'était plus. Elle embrassait les filles à des concerts, emmêlait sa langue aux leurs, caressait leur chevelure couleur de blé. Elle se répétait que c'était l'alcool qui lui faisait faire tout ça, mais sa propre voix était lointaine et étouffée, comme sortant d'un haut-parleur de mauvaise qualité. Elle suivait les désirs de son corps et non les rouages de son esprit.
Et son corps lui disait d'embrasser cette fille et de ne pas la quitter.
C'est Mo qui décolla ses lèvres la première. Ana la regardait comme si elle venait de sortir d'un rêve, les yeux engourdis, la bouche entrouverte. Elle ne voyait plus très clair mais elle voyait que la blonde souriait. Ça la rendait heureuse dans son coeur bourré.

- J'suis capable de plein d'choses...

Elle voulait qu'elle l'embrasse encore. Qu'elle agrippe ses cheveux crépus et qu'elle ne la quitte pas pour le reste de la soirée. Ana se mordit la lèvre. Son esprit était incapable de penser logiquement. Les mots voulaient vomir de sa bouche.

- J'veux... j'veux... qu'tu m'embrasses là, dit-elle, levant le menton et pointant son cou. Puis j'veux qu'tu m'dises que tu m'aimes.

Elle la traîna de l’autre côté du miroir à l’abri des regards indésirables et la fit sentir comme une reine.
La poussant doucement contre le mur du fond, là où la musique semble avoir traversée l’univers avant d’atteindre nos tympans, Mo passa une main sur la joue d’Ana puis s’attaqua à sa nuque comme elle l’avait demandée. Regardant le ciel, faisant sa prière, un sentiment d’insatisfaction habita tout de même le corps ivre de la petite.
- Pourquoi tu dis jamais je t’aime ?
Elle voulait l’entendre de sa bouche, de ses lèvres roses.
- J’suis pas assez bonne pour toi ?
Elle n’était pas assez bonne pour personne. Mo se nourrissait du cou d’Ana, mais cette dernière devenait agitée. Elle ne s’était jamais sentie comme cela auparavant. C’était un nouveau sentiment qui la frappait de plein fouet, qui prenait possession de son corps et ne voulait plus la laisser vivre en paix.
Le ciel qu’elle regardait était soudainement plein d’eau.
- J’veux juste l’entendre une fois, une seule fois.
Elle détacha délicatement le visage de Mo de sa nuque et fixa ses yeux océans.
- Par pitié.

Ana ne demandait jamais la pitié.

Plus rien ne faisait du sens. Tout allait trop vite. La salle tanguait comme un bateau sur une mer agitée. Mo participait au mouvement des vagues et voulait partir flotter sur l’une d’entre elles. Ana la rendait mal à l’aise, inconfortable, elle n’avait pas signée pour ça. Mais Ana n’avait plus le contrôle sur rien. Les émotions à fleur de peau, tout voulait sortir en même temps, tout ce qu’elle avait caché, tout ce qu’elle avait refoulé. Mo était sa victime, celle qui avait voulu lui parler, celle qui l’avait poussé à boire ce liquide de l’enfer qui l’avait transformé en tout ce qu’elle haïssait.
La remarque de la blonde la rendit stoïque. Elle voulait lui demander une ultime fois, mais elle savait qu’elle allait la perdre, comme toutes les autres avant elle. Personne ne restait, tout le monde partait.
- Je...
Ne trouvant plus les bons mots, elle s’affaissa sur Mo, sa tête plonge sur son épaule, les yeux fermés. Elle voulait pleurer, mais les larmes ne sortaient pas. Alors elle baisa l’épaule de la blonde, remontant lentement dans son cou, son corps toujours contre le sien.
Elle ne pouvait plus se tenir debout. Elle n’en avait plus l’énergie.